NOTES
Nous n'avons pas identifié une source unique pour la totalité des informations de ce paragraphe; il n'est pas exclu qu'elle existe, brochure, guide du voyageur, article de journal ou de revue -peut-être à l'occasion de la mort, en 1862, de François Jomard, égyptologue, conservateur du département des cartes de la Bibliothèque royale, qui avait ordonné, en 1847, la confection d'une réplique du globe de Martin Behaim que Hugo a pu voir et qui est toujours conservée à la BNF.
La littérature sur Antilia et Behaim est abondante (Murr, Humboldt, Letronne) sans qu'aucun de ces ouvrages ardus rende compte du texte de Hugo. Mais ils signalent qu'une rencontre entre Martin Behaim et Christophe Colomb n'est pas absolument invraisemblable, quoiqu'il n'y en ait aucune trace.
Les sources habituelles de Hugo donnent plusieurs des détails qu'il met en oeuvre, mais pas tous:
L'article du Dictionnaire de Chaudon et Delandine ne mentionne pas Antilia, mais il indique la carrière du voyageur, l'hypothèse que ce soit lui qui ait découvert l'Amérique, la construction de son globe, sa dimension et sa conservation à Nuremberg: « BEHAIM (Martin), né d'une famille noble de Nuremberg, s'étant appliqué à la cosmographie & à la navigation, conçut, suivant les auteurs Allemands, la première idée de la découverte de l'Amérique. Il partit de Flandres vers l'an 1460, avec un navire de la duchesse Isabelle; découvrit, dit-on, l'isle de Fayal, le Brésil, & poussa jusqu'au détroit de Magellan. Jean II, roi de Portugal, le créa chevalier en 1485. De retour dans sa patrie en 1492, il y construisit un Globe de vingt pouces de diamètre, sur lequel il dessina ses découvertes; globe qu'on voit encore aujourd’hui à Nuremberg. Il seroit curieux que la ville de Gênes par Christophe Colomb, Florence par Améric Vespuci, le Portugal par Vasco de Gama, s'attribuassent la gloire d'avoir produit les grands hommes qui ont fait les plus grandes découvertes, tandis que la première idée en eut été conçue dans une tête Allemande! Behaim mourut à Lisbonne en 1506. »
Le Dictionnaire de la conversation, également muet sur Antilia, précise la technique de fabrication de ce globe et son aspect: « Il fit faire un globe en bois d'un pied et huit pouces de diamètre, le couvrit d'un parchemin, et couvrit ce parchemin de tous les pays, de toutes les îles qu'il avait vus, et qu'il n'avait pas vus, écrivant avec de l'encre rouge, noire ou jaune, toutes les curiosités qu'il en savait. Cette mappemonde, conservée à Nuremberg, prouve qu'il ne savait rien de l'Inde [...]. »
L'Encyclopédie moderne de Rénier enfin explique la confusion des Antilles avec l'Antilia des cartes antérieures à Christophe Colomb -car celle de Behaim n'est pas la seule: « L'origine du nom des Antilles à été mal à propos attribuée à leur position en avant du continent américain (ante insulae) On les appelait ainsi dès le temps où l'on ignorait encore qu'un continent se trouvait à l'ouest de l'ancien monde. Ce nom d'Antilia est, sur de vieilles cartes antérieures à la découverte de l'Amérique, appliqué à une terre située à l'ouest des Açores. On crut donc, lorsque l'on fut arrivé aux Antilles, que c'était Antilia. »
Le globe terrestre de Martin Behaim se trouve maintenant au Musée National Allemand de Nuremberg; sa reproduction (47 x 80) est en vente sur Amazon. Dans sa représentation schématisée, on distingue parfaitement Antillia, à la même latitude que les îles Canaries, juste sur le tropique du Cancer -que Hugo traduit par « sous le signe de l'Ecrevisse »-, en plein milieu d'un océan, ayant à l'est l'Espagne et l'Afrique mais à l'ouest Cipango (le Japon), Java et Cathay (la Chine). A la fin du XV° siècle, des erreurs d'appréciation des distances faisaient penser à tous, et à Christophe Colomb, que la côte orientale de la Chine n'était pas très éloignée des côtes occidentales de l'Europe et de l'Afrique. Il s'en faut de beaucoup qu'on puisse conclure « Antilia, c'est l'Amérique » et personne d'autre que Hugo ne l'a fait. D'autant moins que le dessin de l'île est légendé: « L'an 734 après la naissance de Jésus-Christ, année que toute l'Espagne fut soumise par les païens venus d'Afrique, ladite île Antilia, nommée Septe Ritade, fut habitée par un archevêque de Porto en Portugal avec six autres évêques et nombre de chrétiens, hommes et femmes, qui s'y étaient sauvés d'Espagne avec leurs bestiaux et leurs biens. C'est un vaisseau Espagnol qui en 1414, s'en étoit approché le plus près. » (Histoire diplomatique du chevalier portugais Martin Behaim de Nuremberg, par C. T. de Murr, traduite de l'allemand par H. J. Jansen, Strasbourg et Paris, 1802, p. 30.)